Dans notre société, les jeunes générations sont de plus en plus éclairées sur les discriminations de genre. Aujourd’hui, il est impensable de ne pas réfléchir sur la place de la langue dans ces débats. Là où des états comme l’Allemagne ou la Suède ont déjà introduit des règles d’écriture inclusive, les débats français restent stériles. Le gouvernement n’ayant pas résolu la question, on n’a probablement pas besoin de s’en inquiéter.

Mais comment gérer du contenu web multilingue sans résoudre ce problème ? Comment inclure tout l’auditoire dans chaque langue si les « Nutzer*innen » allemands deviennent soudainement les « visiteurs » français excluant les « visiteuses » ?

S’ajoutent au problème tous les arguments contre l’écriture inclusive. Le plus important est le problème d’accessibilité du web. Ce problème concernent les personnes ayant des difficultés d’apprentissage du langage et de la lecture ou les personnes avec un handicap visuel.

écriture inclusive sur le web

L’écriture inclusive : qu’est-ce que c’est ?

Le principe de base de l’écriture inclusive est de « s’exprimer et rédiger en s’adressant d’emblée à un public mixte et en tenant compte de la diversité » comme le précise l’Université de Genève dans sa directive sur la rédaction épicène et inclusive.

Les mouvements pour le langage inclusif tentent de lutter contre la masculinisation de la langue et l’exclusion des femmes par les mots. Ainsi, ils prônent l’insertion des formes grammaticales féminines à l’écrit et à l’oral.

Cependant, le langage inclusif ne semble pas avoir de règles fixes. Par exemple, la phrase « Les étudiants sont appelés à voter leurs représentants au conseil d’administration. » peut devenir :

« Les étudiant·e·s sont appelé·e·s à voter leurs représentant·e·s au conseil d’administration. »

ou

« Les étudiants et étudiantes sont appelés et appelées à voter leurs représentants et représentantes au conseil d’administration. »

La première forme rend le texte indéchiffrable par les lecteurs d’écrans. Et la seconde alourdit fortement la phrase la rendant d’autant plus difficile à comprendre pour le lecteur (ou la lectrice) lambda.

Ecriture inclusive : une question de traduction

Dans plusieurs langues, la question de l’écriture inclusive ne pose pas vraiment de problème. L’anglais, par exemple, n’a pas d’accord de genre pour les noms et les adjectifs. Cela simplifie largement le problème d’inclusion.

Mais il reste les pronoms « he » et « she » ainsi que les adjectifs possessifs correspondants « his » et « her ». Pour cela, les anglais utilisent principalement « they », « their » et « them » au singulier. Même si l’usage sonne faux pour certains, l’utilisation du « singular they » pour le pronom neutre apparait dans les textes littéraires dès le Moyen-Âge.

Mais comment traduire ce « they » ? La langue française n’a pas de pronom neutre, contrairement à la langue allemande avec « es » ou l’islandais « það ». On retrouve alors des constructions nouvelles comme « iel », solution plutôt pratique puisqu’elle inclut les deux genres en un seul mot.

Pour ce qui est des langues avec flexion du genre, comme les langues romanes, le genre va modifier les adjectifs, les articles, les noms, les pronoms et les participes passé.

En espagnol, cette marque de genre s’exprime principalement par un « a » ou un « o ». La version neutre ou non-genrée de « caras amigas » ou « caros amigos » est « car@s amig@s ». Cette solution est difficilement applicable en français où la marque du féminin se fait plutôt par l’ajout d’un « e » que par substitution.

L’écriture inclusive pose alors des problèmes autant au sein de la langue française que dans le domaine de la traduction.

Accessibilité et inclusion

Pour les personnes malvoyantes

Dans l’écriture inclusive, l’utilisation de caractères spéciaux à l’intérieur des mots est fréquente. On retrouve, par exemple, l’@ en espagnol, l’astérisque *  en allemand ou le point médiant · en français. Ces caractères rendent les textes indéchiffrables pour les lecteurs d’écran, si utiles aux personnes atteintes de handicap visuel.

Tout site web contenant ces symboles illisibles devient alors inaccessible pour cette part de la population.

Pour les personnes avec des difficultés d’apprentissage du langage ou de la lecture

La solution pour les personnes malvoyantes serait d’introduire le doublet, par exemple « les étudiantes et étudiants » au lieu de « les étudiant·e·s ». Cela permettrait aux lecteurs d’écrans de déchiffrer les textes des sites web sans problèmes.

Cependant, l’ajout répété des doublets dans un même texte, voire une même phrase, rend la lecture beaucoup plus difficile pour toutes les personnes avec des difficultés de langage ou de lecture, par exemple les personnes dyslexiques. Les difficultés de compréhension qu’elles rencontrent sont présentes également pour des personnes n’ayant pas de troubles linguistiques particuliers.

Alors l’accessibilité d’un site web diminue lorsqu’on y intègre l’écriture inclusive.

Mais n’est-ce pas contreproductif ? En essayant d’inclure les femmes par une modification de la langue jugée trop masculine, on exclurait des personnes ayant des troubles de la vision, de la langue ou de la lecture ? Quand aucune règle commune n’est décidée, c’est le rédacteur (ou la rédactrice) d’un site web qui se trouve face à ce genre de choix d’accessibilité. Et la présence d’autres langues sur le site ne fait qu’ajouter à la complexité de la chose.